Peintre en bâtiment rue Boulard
Le chevalet, dont les pieds avaient côtoyé dans leur jeunesse d’humides prairies ou des bords de mer iodés, devait aujourd’hui composer avec le froid goudron des caniveaux de la rue Daguerre. En son for intérieur il regrettait les espaces sauvages et le rendait bien à son propriétaire.
Celui-ci était en effet perplexe. Il se débattait avec le trépied entre les voitures pourtant bien garées et l’on pouvait sentir un début d’agacement chez cet homme a priori assagi par les saisons d’extérieur, palette à la main. Sa vareuse en drap rouge d’un autre âge et sa courte barbe blanche en témoignaient.
Depuis maintenant quinze minutes je l’observais amusé de la terrasse du troquet voisin. Il avait beau pester, la perspective se refusait à lui, se dérobait sous ses hésitations. Il se décalait un peu à droite, puis reculait pour juger avec un peu plus de recul, faisait la moue, se repositionnait un peu à gauche… Il s’arrêtait alors quelques minutes et regardait autour de lui en implorant des yeux le dieu des peintres. Puis recommençait. Cette fois la bordure du caniveau lui posait problème.
Et pourtant la toile blanche posée sur le chevalet aurait bien aimé se faire caresser par le fusain de l’esquisse et les poils délicats des pinceaux multicolores. D’autant que la basse maison colorée que cherchait à reproduire l’artiste était charmante.
L’art urbain n’est pas chose aisée.
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Bruno